mercredi 31 mars 2010

[Concert] Roubaix's Burning # 14 - DJ Mehdi, Brodinski et Das Glow


* DJ Mehdi : la caution Bronx old school du label EdBanger

Ses premières sneakers à Gennevilliers le petit Mehdi Favéris-Essadi usera. Avec les crews Different Teep puis Idéal J ses premiers vinyles le grand DJ Mehdi maniera. C’est écrit dans le Décalogue. Entre les sillons…


Avant de surfer sur la vague funk électro, DJ Mehdi a rondement satisfait son désir d'intégrer le monde merveilleux du rap. Sans passer hélas par la case "danse", "beatboxing" ou "tag", il rencontre les MCs d'Idéal J en 1992. Promu chef des instrumentaux, il fait un bout de chemin avec Kery James, leader du groupe, jusqu'à sa dissolution en 1999 après la mort de Las Montana. Il poursuit malgré tout sa collaboration avec des groupes assez proches, comme le célèbre 113. La glissade vers le deejaying et la composition viennent plus tard, de la rencontre avec MC Solaar qui, après le premier album d'Idéal J, O’riginal MC’s sur une mission (1996), l'invite à s'exprimer en studio sur son 3e opus.
Par ailleurs, il fonde en 1997 avec Manu Key, son acolyte de Different Teep, le label Espionnage qui alterne autoprods signées DJ Mehdi, comme (The Story of) Espion, sorties de jeunes pousses tels que Karlito ou Rocé et projets transversaux comme Des Friandises Pour Ta Bouche avec Kourtrajmé, B.O. du film Megalopolis de Romain Gavras.

Toutes ces bonnes œuvres faisaient depuis peu enfler les oreilles de Zdar et Boombass, aka Cassius - à l'époque, Motorbass et LaFunkMob. Ce joyeux petit monde vient donc doucement enrichir la culture musicale du jeune DJ, à force d’échanges et de jam sessions. En 2000, une compilation chez Espionnage officialise la cérémonie en mêlant artistes de son label et amis. C'est dire comme la liste est longue...

"Espion - Le EP" (LP, CD, 2000)

01 : DJ Feadz + DJ Mehdi - Espionnage Sound System
02 : The Cambridge Circus - Ulysse
03 : Rocé - On S'Habitue
04 : Dany Dan - Pop Song I
05 : DJ Mehdi + Zdar - Naja
06 : Karlito - T'inquiète ...
07 : 113 + Boombass - Camille Groult Starr (Remix)
08 : Manu Key - Si Tu Savais
09 : Dany Dan - Pop Song II
10 : The Cambridge Circus - Spanish Harlem
11 : Rohff - Despee '90 (Bonus Track)

Pour en venir à la face B, il faut remonter jusque 1998, lors d'une tournée en terre anglo-saxonne. DJ Mehdi rencontre Pedro Winter, fondateur de EdBanger Records en 2003 et, par là même, s'ouvre les portes d'un monde en éclosion.

Une fois le mariage consommé, l'album Lucky Boy sort sur ce label en 2006 puis le titre Signatune édité par Thomas Bangalter [moitié des Daft Punk] en 2007 sur l'EP Lucky Girl. Un clip suivra, signé Romain Gavras. Encore lui.

Mais alors, DJ Mehdi est-il inclassable ? Sait-il lui-même au moins vraiment ce qu'il fait ?!
"...Non, pas vraiment. Je fais une forme de hip hop... Je fais des disques depuis 1992, alors forcément je suis passé par des phases où je me suis senti plus proche d'un truc puis d'un autre... Lucky Boy a pris forme en côtoyant les gens d'EdBanger Records, branchés dancefloor et musique de club, je me suis donc senti polarisé par un style, celui précisément de faire danser les gens, ce qui n'était pas forcément le cas à l'époque où j'étais compositeur pour Idéal J et 113. "
Pour en finir, break dance doit être le maître-mot, avec l'ambition avouée de régénérer la musique intégrée de longue date dans les habitus du clubbeur, Kraftwerk, Crash Crew, Planet Patrol par exemple.

Latin lover dans un registre romantico-disco avec Pocket Piano (Arcade Mode/EdBanger Records, 2008), digne héritier du "Pilgrim Father" de l'électro funk, Afrika Bambaataa, avec Tunisia Bambaata, DJ Mehdi est tout de même arrivé à ses fins. Pour lui, aucune voie n'est impénétrable, hip-hop et électro s'unissent dans un même combat pour la nouveauté.



"Maintenant que je fais de la musique instrumentale, c'est moins évident de définir le message que tu veux faire passer, contrairement au rap. L'émotion la plus brute, la plus pure, la plus immédiate que tu puisses donner à travers la musique instrumentale, c'est celle de donner envie de danser."


* Brodinski : la tête dans le web et les mains dans le cambouis

Un noble et jeune Rémois n'en a que faire des frontières du présent vivace et des règles du "placement produit". Bercé par les sons de sa propre histoire de France, les perles auditives made in Brodinski auraient plutôt tendance à prendre l'allure des grands crus si chers à sa Champagne natale.


Ce music digger n'a pourtant rien d'un obscurantiste. Celui qui s'envisage "comme la personne dans la musique aujourd'hui qui vit le plus avec son époque" n'a simplement jamais connu le CD. Louis Rogé de son vrai nom touche son premier ordinateur à l'âge de 15 ans - au début des années 2000 - et profite alors d'emblée des joies de la culture musicale illimitée. "Il EST free, il a tout compris" : le pain quotidien de la musique mondiale et son partage immodéré grâce à Internet font partie intégrante de son "deejaying process".

C'est donc à Reims en 2004 qu'il fait la connaissance de Yuksek, ce faux-jumeau, au détour des soirées "Bonheur binaire" organisées à la Cartonnerie par P.A. "Yuksek" Busson et Cyril Jollard. "Nous sommes très différents... Yuksek a une famille et c'est un vrai homme de studio. Moi, si au bout d'une heure je ne trouve pas d'idées, je dis : "Allez, on va manger!"

Pour cause, Brodinski dérive souvent à mille lieues de son acolyte, qui évolue en mode breakbeat BCBG... Des DJ sets up-tempo, "une techno tellurique et protéiforme" sortie de derrière les fagots d'un répertoire parfois poussiéreux, à des années lumière du dancefloor mainstream mais mixée dans l'esprit club, voici sa marque de fabrique. Faire en sorte que les gens ne connaissent pas les trois quarts des morceaux qu'il propose, voici son plus grand plaisir.

"Les Daft Punk ne font pas du tout partie de ma culture musicale, même si j'apprécie beaucoup leur musique. Moi, j'ai plutôt grandi avec François Kevorkian ou Larry Levan."

Aussi, lorsqu'on lui demande des noms, des titres favoris...
Philip Glass - Metamorphosis One
Jaydee - Plastic Dreams
Billy Paul - It's Too Late
Aphex Twin - Windowlicker
Squarepusher - Tommib

Entre des productions léchées jusqu'à la corde (Bad Runner EP, chez Mental Groove) et des collaborations espiègles comme les singes à la "Noob", sur Peanuts Club, la folie créatrice de Brodinski semble furieusement contagieuse ! La dernière mise en quarantaine est au nom de Guillaume, moitié du groupe rémois The Shoes, en tant que second suspect dans l'affaire Gucci Vump.

Aussi, quand ce n'est pas lui qui prend les devants, ça ne peut augurer que du bon... Le DJ britannique Sinden vient de créer sa propre écurie, baptisée Grizzly. La première sortie du label sera une collaboration entre Sinden et Sbtrkt, prévue pour le 19 avril. La deuxième sortie sera Brodinski - Arnold Classics, en mai !

* Das Glow : un émigré en terrain conquis


De son vrai nom francisé, Damien Granier, Das Glow aurait été retrouvé en 1982 sur le perron de la cathédrale de l'Archange-Saint-Michel à Moscou puis recueilli par un couple de fonctionnaires moscovites. Il sera ensuite placé dès l'âge de 10 ans en apprentissage chez l'un des plus grand joailliers de la cour de Russie, avant de partir en 1995 pour un tour d'Europe du compagnonnage qui le mènera à Paris.
Ni une ni deux, Damien prend racine et achète sa première paire de platines. Tout l'argent mis de côté depuis sa naissance par sa grand-mère passe dans l'achat d'un ordinateur, le reste dans une carte son. A la première soirée "Alors les filles, On se promène" organisée par Institubes, Damien voit mixer Orgasmic et décide de poser bagages. En septembre 2004, Institubes reçoit par courriel une ébauche de morceau. C'est le coup de foudre et la naissance de Das Glow. A peine deux ans plus tard sort Weiss Gaz EP, suivi de sa bombe à fragmentations technoïdes, Sunburnt en 2008.

Depuis, son style varie entre une électro déviante et haut perchée (forcément) avec Cathédrale et, tout dernièrement, une ritournelle pop, I Want to Wake Up With You, intelligemment filtrée.

Ses remixes pour de sombres et déjantés personnages tels que M.S.K., Shadow Dancer ou The Micronauts ne doivent pas évincer son penchant tout à fait gratuit pour la photographie improbable et tout aussi fulgurante que sa musique.

Pour un aperçu futile et décalé de cette nouvelle scène, rien de tel qu'un billet pour Futurama!


mardi 30 mars 2010

[Music] Etienne Jaumet. Nom de code : Magicien d'Oz de l'électronique


Après son apparition à la Cave aux Poètes, transformée en aire d’autoroute interstellaire pour l’occasion, tandis que ses premiers camarades « réplicants » pénétraient dans le sas roubaisien, votre Hermès préféré est parvenu à étudier cet ovni aussi violent qu’un Big Bang, aussi brillant qu’une aurore boréale…

Étienne Jaumet est Monsieur Discret. Un artiste tranquille au look de nerd intello.

C'est aussi un multi-instrumentiste dont le nom est resté enfoui des années durant. Ses productions au sein du duo krautrock Zombie Zombie, qu’il forme avec Cosmic Neman, le batteur d’Herman Düne, puis dans le combo The Married Monk, ou encore ses collaborations avec Herman Düne en personne lui ont permis de gagner en notoriété. La vie d’Étienne Jaumet est naturellement concentrée en rencontres musicales.

"Dès 10-11 ans, j’étais fan de musique. J’écoutais The Cure, Joy Division, du punk aussi, comme mes copains. Et puis les émissions de Bernard Lenoir. La radio m’a ouvert des horizons : j’y ai découvert Oh Superman de Laurie Anderson, Kraftwerk, qui me faisait voyager. Je me passionnais pour les génériques de dessins animés : Ulysse 31, Chapi Chapo [signé François de Roubaix – prochaine victime de notre Maieutikê], les Dossiers de l’écran, San Ku Kaï. Tout cela m’a donné très tôt le goût pour la musique électronique…"


Son premier amour de jeunesse ? Le saxophone. Il joue même dans une harmonie municipale, avant finalement de rentrer au Conservatoire. "Mais je n’étais pas assez travailleur. Et le saxophone est devenu un instrument cliché des années 80, alors j’ai brusquement arrêté. Plus tard, je m’y suis remis, en écoutant du free jazz. Là, l’instrument était naïf, déchiré, pas du tout langoureux ou sexy comme dans le rock et la variété des eighties."

Après un bac S, Jaumet poursuit des études supérieures du son à l’école Louis-Lumière, en banlieue parisienne (sur les traces de Jacques Demy, Gaspard Noé ou Louis de Funès). "C’était un bon compromis car la vie de musicien est très aléatoire."
Dès 1995, il commence à sonoriser les autres. "Combien ? Un millier de groupes ! C’était le rêve ! J’ai pu travailler avec Daniel Johnston, Aphex Twin, The Moldy Peaches, Lou Barlow, Antipop Consortium… Je me souviens aussi de Moonshake, un groupe très marquant, avec des influences krautrock. C’est d’ailleurs à cette période que j’ai rencontré et sonorisé Herman Düne pour la première fois."

Dès son arrivée à Paris, à 21 ans, il arpente les rayons des disquaires de l’époque : Rough Trade, Danceteria, New Rose. Depuis les rives de la pop synthétique (New Order, Elli & Jacno, Etienne Daho, Mathématiques Modernes) et du rock expérimental de Sonic Youth, Mercury Rev ou Ride, Étienne Jaumet poursuit jusqu'au jazz, en commençant par John Coltrane et ses camarades, Elvin Jones, McCoy Tyner, Eric Dolphy. Enfin, Miles Davis, Pharoah Sanders, et de là, plongée ultime dans le free jazz.
De la musique ethnique à la musique concrète, du krautrock au new beat belge en passant par Silver Apples, Suicide, Telex ou D.A.F., sa soif auditive ne connaît pas de limites...en deçà du rythme binaire.

THE MACHINE MAN

Éternel adolescent, Étienne Jaumet se cherche encore, puis se découvre une orientation synthétique avec l’implantation en France, au milieu des années 90’, de Cash Converters. "J’y ai découvert les synthés analogiques, alors que tout ce matériel était en totale désuétude à l’époque. L’ouverture de ces magasins d’occasion a permis à certains de se débarrasser de leurs synthés et à d’autres, comme moi, de s’y initier."
À la recherche d’arrangements originaux, il remarque ces vieilles machines et se plonge dans leur univers. "J’aime ces machines, leurs boutons. Et aujourd’hui, je suis un inconditionnel… Dès que je branche un synthé, une boîte à rythmes, un effet, il y a toujours ce frisson qui me traverse en même temps que l’électricité parcourt la machine."

"Ce sont des outils très manuels et particulièrement intuitifs. Le geste crée le son. Je n’ai rien contre l’ordinateur, mais avec ce type de matériel, tu finis par faire la même musique que ton voisin. Pour moi, les synthés ont une âme, une âme analogique, du fait que les réglages ne peuvent être conservés, que le son dépend de ta façon de jouer, que les composants électroniques possèdent une certaine instabilité. C’est une chose vivante…"

Jaumet ne délaisse pas pour autant sa première conquête, et accompagne au saxophone Francisco Lopez, aka Flóp, sur trois albums et le seconde à Mains d’Œuvres, lieu de création artistique à Saint-Ouen. Le duo s’installe en résidence à partir de 2001, et c’est dans ce lieu, « où il y a beaucoup d’effervescence », que va se jouer son avenir : il y rencontre The Married Monk, formation pop alternative qu’il sert sur disque et sur scène ; y croise des chorégraphes pour qui il signe des musiques de spectacles ; devient ingénieur du son de la salle ; et surtout, partage son local de répétition avec Herman Düne…

"Un soir, tout le groupe était parti sauf Neman Cosmic, le batteur. Alors que j’improvisais sur mes claviers, il a commencé à jouer. Il y a eu une alchimie immédiate. Nous prenions beaucoup de plaisir à improviser ensemble, avec une approche très instinctive."
Dans la frénésie des premiers concerts parisiens, le couple se trouve un nom, Zombie Zombie, publie déjà un maxi très confidentiel sur le label Boomboomtchak avant que la magie des rencontres ne fasse le reste…
En l’an de grâce 2006, Gilb’R, patron du label Versatile, débarque au Point Éphémère pour assister au live de Joakim. Là, il tombe sur ces deux savants fous, programmés en warm-up. Étienne, lui, ne savait même pas de qui il s’agissait, ni de quoi il retournait – un "truc house, électro"…

Consécration ultime pour le petit monstre bicéphale devenu grand, le prestigieux disquaire indépendant Rough Trade sacre dans la foulée A Land for Renegades (Versatile/Nocturne) comme l’un des dix meilleurs albums de 2008. Premier album noir et fascinant, avec Goblin et John Carpenter en arrière-plan. Ses 11 morceaux sentent la sueur de l’improvisation et de la passion enfantine à triturer le moindre bouton. Les ambiances sont pesantes, les notes traînent comme des bruits dans la nuit, et surtout ça crie – When I scream you scream. Zombie Zombie rejoue ainsi la mélodie des berceuses adolescentes et raconte son meilleur cauchemar. "Ce qui est très important dans ZZ, confie Jaumet à Trax en mars 2008, c’est la pulsation, le rythme de la batterie qui nous emmène jusqu’à la transe"… Somnambulesque.



La réussite de ce premier essai pousse Jaumet à aller plus loin... Seulement, "Neman n’est pas tout le temps disponible, car il joue avant tout avec Herman Düne. C’est pourquoi j’ai commencé à composer des morceaux… Et en une après-midi, j’ai fait le morceau Repeat Again After Me, enregistrement et mixage compris. Je vais vite."

NIGHT MUSIC (Versatile/Module)


Pièce magistrale de musique psychédélique ou "mix dirigé et imaginé" par Carl Craig… Les qualificatifs s’accumulent et se conjuguent au mélioratif pour célébrer ce premier solo.
Le menu : cinq morceaux spatiaux, gazeux et narcotiques où sont convoqués saxophone, harpe et même une vielle à roue, sans oublier la voix éthérée d’Emmanuelle Parrenin, pionnière psyché folk des 70’. Le résultat : une rencontre au sommet entre les algorithmes synthétiques de Jaumet et le ballet mécanique proto-techno du producteur US.

Elle impose d’emblée une couleur, une identité, un caractère trempé dans les flaques d’automne 2007, lorsque grandissait le premier enfant légitime d’Étienne Jaumet. Baptisé Repeat Again After Me, le prototype s’appuyait déjà sur une longue odyssée future jazz hypnotique déroulant sereinement ses 13 minutes, avec phrasés plaintifs et boucles entêtantes.

L’illuminé y exprime toute sa tendresse, voire son fétichisme, pour la poésie naïve et les échafaudages alambiqués des sorciers électroniques allemands des années 70’. Comme pour coller à la tradition des albums planants de l’époque, Night Music s’ouvre sur For Falling Asleep, œuvre saisissante de beauté et d’intensité longue durée mêlant volutes analogiques, chœurs façon Gorecki pour 2001, Odyssée de l’espace et strates d’échos à la Terry Riley, avant de s’éteindre sur quelques frôlements de harpe. Elle n’est pas sans rappeler le prodigieux E2-E4 de Manuel Göttsching, produit une nuit de décembre 1981.
En face B, Étienne Jaumet enchaîne une série de vignettes tout aussi crépusculaires et hypnotiques, dont la sublime At The Crack Of Dawn sur laquelle il couche son saxophone dans un dernier cri d'orgasme.

Les partitions de Jaumet rappellent donc autant la musique électronique minimaliste, la kosmische musikAsh Ra Tempel dont Klaus Schulze fut membre, Popol Vuh et surtout Tangerine Dream – que le jazz, en mode free à la Pharoah Sanders, ou afro-futuriste comme Sun Ra. Night Music distille une "techno des sphères", une cosmic music qui renvoie directement à Landcruising (1995), masterpiece techno ambient de Carl Craig, génie de la seconde génération de Detroit.

Construites autour d’un spasme de boîte à rythmes – l’éternelle TR 808, les nappes vintage, les boucles de synthés et les complaintes acoustiques en forme d’incantation cosmique possèdent une rare puissance sur des esprits trop contents d'évacuer le réel pour rêver d’un monde en apesanteur.


Night Music est une œuvre d’esthète, sincère et intimiste, rétro mais contemporaine, frappée du don de la retenue et de l’hypnose. C’est là l’un des traits marquants d’une nouvelle génération de DJ’s qui, de l’agité Turzi en passant par l’équipe de Dirty Sound System ou les plus tranquilles Studio, signent le renouveau de l’analogique et du bricolage hippy à l’ère du numérique triomphant.

Night Music n’est alors pas destiné à briller de mille feux dans l’instant virtuel mais à durer dans le temps intersidéral, à l’abri des trous noirs de la mode.

"Je n’ai aucune explication sur le pourquoi de ma musique... En fait, tout ça n’est pas très sexy. Il n’y a pas de concept. La magie, c’est ce que les auditeurs comprennent, bien plus que ce que je crée…"

dimanche 21 mars 2010

[Découverte de la région] Delbi

Depuis près de 4 ans maintenant, Romain D., alias Delbi, promène ses instruments de scènes en scènes de la région. De premières parties en petits concerts, Delbi a su s’entourer d’un petit groupe d’inconditionnels fans et jouer aux côtés d’artistes reconnus comme Java, Benabar, Benjamin Biolay, le regretté Mano Solo ou de groupes lillois comme Roken Is Dodelijk, faisant partager sa musique « white folk, black groove » (1).



Pour les Héros de Bacchus, Delbi se décrit : « Delbi, c’est un projet solo, guitaristique et électronique » (2). Car sans l’électronique, Delbi ne serait pas. Ce qui fait son originalité, c’est qu’il joue principalement de la guitare, mais que sa musique se fait avant tout avec les pieds.



A l’aide de pédales en tout genre, Delbi sample, Delbi loope (sans se rater), et construit, sous vos yeux, ses morceaux. Un riff de guitare tourne en boucle, auquel se rajoutent d’autres notes, puis du beat box, puis des maracas, du triangle, du synthé … Au final, on assiste à la superposition de couches musicales, une par une, créant progressivement un morceau complet. C'est un peu comme assister à la fabrication d'un délicieux mille-feuilles, ça met en appétit. Même si Delbi ne s’affilie pas au minimalisme, Terry Riley ou Steve Reich ne semblent parfois jamais bien loin dans la composition (boucles, superpositions et variations), mais disparaissent bien rapidement quand le morceau a pris forme et nous livre ses sonorités folk-blues aux influences aussi variées que Björk, Led Zep’, RATM, Beethoven ou Jeff Buckley, bien que si l’artiste ne devait en citer que trois, il vous dirait « Merz / Muddy Waters / My Brightest Diamond ».




En soit, Delbi est donc un groupe à part entière, et il nous l’affirme, être seul sur scène « ça file le frisson ». Mais Romain n’a pas toujours été seul : « J'ai commencé le groupe LULU (composition et interprétation) en 1998, je jouais en parallèle dans un groupe de rue, les Tchobello. J'avais des chansons de côté depuis longtemps, que j'ai eu envie de jouer rapidement. C'est pour ça que je me suis lancé en solo ».

C’est donc au fil des années à côtoyer les instruments que Delbi s’est construit une identité musicale, mais son goût de la musique, il le doit avant tout à son père : « En général, il y avait des instruments chez moi, j'en jouais, mon père chantait le blues ». C’est avec un humour particulier que Delbi raconte aux Héros de Bacchus ses choix d’instruments et sa manière de composer : « Je prends les instruments tels qu'ils se présentent à moi, notamment ce sur quoi on peut taper ou gratter, je suis nul en instruments à vent. De toute façon je suis asthmatique ... » « En repet, [la création musicale] est spontanée, je me laisse porter par la musique et les boucles, les structures viennent bien après. Mais j'aime aussi le chocolat. »

Avec un EP de 6 morceaux en poche, Delbi continue à écumer les salles de la région, et même plus loin. Car Delbi, il faut le faire en concert, là où se construit la musique, précisément, minutieusement, où chaque nouvelle couche musicale vous cloue un peu plus sur votre siège ou vous fera remuer un nouveau membre de votre corps : on remue la tête, puis on tapera du pied, avant de frapper dans ses mains et finir par plisser le visage à mesure que le morceau vous prend aux tripes. Tandis que le CD dans la chaine hifi, les morceaux déjà finis, la magie se perd un peu. Entre le live et le studio, sans hésitation, on préférera très certainement le live. Delbi, lui, son format préféré, c’est « A4 ».




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(1) http://www.myspace.com/delbimusic
(2) Extrait de l’interview complète réalisée par les Héros De Bacchus pour
flatboyslille.blogspot.com disponible à cette adresse. Toutes les citations présentent dans la suite de cet article proviennent de cette interview.