lundi 30 novembre 2009

[Music] Amiina

Quatuor de jeunes et jolies islandaises (doux pléonasme), Amiina se fit d’avantage connaître du grand public sous sa forme de quartet à cordes et accompagnant le groupe (islandais lui aussi) de post-rock aux multiples récompenses Sigur Rós. En effet, depuis l’acclamé ( ) sorti en 2002, Amiina jouent et composent les violons de Sigur Rós, en studio comme en live, et figurent même sur le DVD du groupe, « Heima », qui documente leur tournée en Islande. C’est sûrement ainsi que les minois de Hildur, Edda, Maria et Sólrún se sont fait mondialement connaître. Et pourtant, ces quatre dames du froid ne se contentent ni du simple accompagnement, ni des violons ou du violoncelle, loin de là. Citer la liste des instruments dont elles jouent serait bien trop long, trop fastidieux, et j’en oublierais très certainement. Disons simplement, pour reprendre la description publiée sur leur site officiel, qu’elles utilisent « à peu près tout, si ce n’est l’évier de la cuisine ».


Inspiré d’une énergie créatrice folle, Amiina s’épanche dans des EPs (Animamina ; Re Minore), des albums (Kurr ; un second album est sur la voie), des reprises ("Dr. Finkelstein" sur Nightmare Revisited, album de reprises des morceaux de la BO du Nightmare Before Christmas de Burton) et des concerts aussi variés entre eux que différents de leur album. D’un concert électronique-expérimentale lourd et pesant, en collaboration avec Kippi Kanínus lors d’un grand festival islandais, à un filet musical onirique et éthéré de 30 minutes ininterrompues dans un musée de sculpture de Reykjavik, en passant par des concerts somme toute plus classiques, mais néanmoins tout aussi charmants, les filles d’Amiina n’ont de cesse de dévoiler leur talent.


Pour les Héros de Bacchus, elles ont accepté de répondre à quelques questions …

Héros de Bacchus : Commençons par le commencement … l’Islande est un pays si petit que pratiquement tout le monde connait tout le monde, mais racontez nous un peu comment vous vous êtes toutes les quatre rencontrées.

Amiina : On s’est rencontré au Reykjavik College of Music, où on étudiait toutes les instruments à cordes. On jouait beaucoup de musique de chambre classique ensemble, avant même qu’on se mette à composer notre propre musique.


HdB : L’histoire que l’on peut lire sur votre site dans la section « bio » est elle vraie ?! Cela semble si irréel, et à la fois tellement ironique que votre folle faim de musique ait failli vous empêcher d’en enregistrer !

Amiina : Oui c’est vrai ! Notre voiture était complètement surchargée de nourriture et d’instruments, et la colline que nous devions grimper pour accéder au studio où nous allions travailler était vraiment raide. On a juste eu de la chance qu’un fermier était dans son champ pas loin, et ait vu qu’on avait un problème …


HdB : Je me rappelle de votre concert au Airwaves Festival de 2008, avec Kippi Kanínus, où la musique était très électronique expérimentale, avec des sons vraiment lourds et une atmosphère très grave ; ensuite, je vous ai vu une seconde fois au musée de sculptures d’Asmundur Sveinsson, pour le Winter Lights Festival, et cette fois, votre musique était très très légère et éthérée … et les deux concerts étaient eux-mêmes différents de votre premier album. Alors, ma question est : y a-t-il des quelconques limites à votre musique ?!

Amiina : Pourvu que non ! On aime explorer de nouveaux horizons. L’album sur lequel on travaille est assez différent de ce que nous avons pu faire par le passé.


HdB : A quoi ressemblera votre prochain album ? Sera-t-il semblable à votre premier album ou est-ce qu’il sera totalement différent ?

Amiina : Hé bien, comme je l’ai dis dans la réponse précédente, il sera très différent de Kurr (ndla : leur premier album). Vignir (alias Kippi Kanínus) et Maggi, le batteur, nous ont rejoint sur cet album, ce qui lui donne une approche différente. On a vraiment passé de super moments ensemble en studio, et on apprécie vraiment de jouer les morceaux en live. On espère pouvoir faire de nombreux concerts l’année prochaine.


HdB : Quel est le secret de votre inspiration, et comment définiriez vous votre musique ?

Amiina : Il n’y a pas vraiment de secret, il suffit simplement d’aimer composer avec d’autres personnes (et aussi peut-être d’oublier toute définition).


HdB : J’ai l’impression que l’Islande influence, en quelque sorte, les artistes islandais, que n’importe quel artiste islandais a ce genre d’ « atmosphère » dans sa musique, qui est propre au pays. Êtes-vous d’accord ? Et comment définiriez-vous cette influence du pays, du paysage, sur votre musique ? J’ai passé un an en Islande, et j’ai vraiment ressenti que l’Islande avait une atmosphère si particulière, qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde ! (« icelandic » est d’ailleurs un tag en soi sur des sites comme Last FM, au même titre que « rock » ou « classique » ou tout autre genre musical)

Amiina : L’environnement a bien souvent quelque chose à dire, mais c’est dur de déterminer exactement ce qui nous influence dans tout ça, surtout quand on fait partie de ce décor. C’est sûrement un peu de ci et un peu de ça …


HdB : Y a-t-il des groupes qui vous ont influencé, vous et votre musique ?

Amiina : La plupart des groupes avec qui on a collaboré je dirais.


HdB : Comment votre collaboration avec Sigur Ros s’est-elle passée ?

Amiina : Le groupe nous a appelé avant la tournée pour la sortie de leur album Ágætis Byrjun en 1999, et ils nous ont demandé de jouer avec eux. Au début, on n'avait qu’un arrangement de cordes pour octet pour les chansons qui figurent sur l’album, qu’on a adapté pour un quartet. Mais on a très vite contribué à la composition, et les cordes sur leur album ( ) (ndla : sorti en 2002) ont été composées par Amiina, ainsi que certaines parties sur leur album Takk (ndla : sorti en 2005) et Með Suð í Eyrum Við Spilum Endalaust (ndla : 2008)


HdB : quels groupes recommanderiez-vous à nos lecteurs ? (Islandais, ou de toute autre nationalité !)

Amiina : jetez un coup d’œil à Sin Fang Bous, c’est sympa :)


HdB : Maintenant, une dernière question … Si je vous dis « France », qu’est-ce qui vous vient en premier à l’esprit ? Un quelconque « souvenir Français » et/ou une anecdote à nous raconter ? :)

Amiina : Le fromage et la lavande ! Oh, et manger des cerises recouvertes de chocolat noir fondu, dans un parc de Paris, Hmmm…


HdB : Merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, et on a hâte d’écouter le prochain album !

(Pour les anglophiles, l'interview est disponible dans sa version originale ici !)


Avant de conclure cet article, je vous propose de visionner un petit documentaire très plaisant sur le groupe, l’album, et sa tournée américaine :


Puis, pour le plaisir, ce “Show A Emporter” dont nous gratifie La Blogothèque. Une vidéo comme on les aime !


Il ne me reste plus qu’à vous rediriger vers leur site et leur Myspace, et à vous dire : "bless bless!", l'au revoir islandais.

mercredi 25 novembre 2009

[Découverte] Scampi!

Scampi! : Quatre cordes ; Deux mains ; Un visage craquant.


Scampi, c’est une petite révélation Internet qui a charmé de nombreux utilisateurs du site Youtube (plus de 75 000 visionnages), sous le pseudo de chipswow. Mais derrière ces pseudonymes variés se cache Morgane, une jeune lyonnaise, tout juste en classe de Terminale, qui gratte le ukulélé depuis un peu plus d’un an.

Génération Internet oblige, l’amusante autodidacte se produit depuis sa chambre, face à sa webcam, dans son lit ou sur le parquet, nous offrant des reprises aussi délicieuses que variées (Lily Allen, The Moldy Peaches, Lady Gaga, Nancy Sinatra, Rihanna, AaRON, Soko, Dido, Cocoon, Morcheeba, etc.), mais aussi de magnifiques compos personnelles (Lazy, Urban Jungle, My Friend, ou encore la très filou Biscuits) le tout sur ce petit instrument si exotique en voie de popularité et passé entre les mains d’Elvis Presley, Marilyn Monroe ou encore George Harrison, entre autres. Ajoutez à cela un petit air mutin, des petites moues amusantes, une coupe de cheveux inconstante, et la recette a vite eu du succès : encouragée par des artistes reconnus, Scampi en est à son 6e concert public, et a déjà une petite maquette, avec quelques morceaux enregistrés en studio.

Retrouvez ici une interview de la jeune artiste :




Bon à savoir : Cette charmante demoiselle sera en concert à la Maison du Peuple de St-Gilles, à Bruxelles le 19 Décembre prochain. Entrée gratuite.

Que dire de plus ? si ce n’est « consommez-en sans modération » ! Attention, effets secondaires attendus chez le spectateur : baume au coeur, sourire niais et amour du ukulélé.

mercredi 4 novembre 2009

[Concert] Beat Torrent @ Gare Saint Sauveur, Lille

Vendredi 23 Octobre, les amateurs de mix, scratch et turntablism (création musicale via des platines vinyles) ont été servis, par deux gars loin, très loin de l’amateurisme : DJ Atom et DJ Pfel, formant, à eux deux :


Nos deux enragés des platines sont avant tout issus du collectif C2C, collectif regroupant 4 DJs (20Syl, Atom, Greem et Pfel) et quadruple champion du monde DMC (Disco Mix Club, dont le championnat est parmi les plus connus du milieu) en équipe (en 2003, 2004, 2005 à 2006 – record inégalé), ainsi que grand gagnant en équipe du championnat ITF (International Turntablist Federation) en 2005. Tandis que 20Syl et Greem partent former leur groupe de jazz rap Hocus Pocus, Atom et Pfel créent de leur côté le duo Beat Torrent.

De clubs en clubs, et fier de la notoriété acquise avec C2C et leur titre de champions DMC (que Birdy Nam Nam avait gagné en 2002), notre duo se fait connaître de par le monde, et perfectionne ses sets et ses shows (depuis 2008, le groupe agrémente sa musique, quand la place le permet, de vidéos projetées sur un écran géant, en parfaite synchronisation avec la musique : le traitement de l’image est relié directement aux platines, transformant nos Disc Jockeys en Vidéo Jockeys).


C’est donc à la Gare Saint Sauveur de Lille (ancienne gare de marchandise – créée en 1861 – récemment réhabilitée en espace culturel) dans le cadre du festival Ground Zero, qu’un public de fans est venu acclamer Beat Torrent. Etant donné les dimensions de la salle, adieu l’écran géant, il faudra se contenter de la musique ! Mais quelle musique ! Déjà chauffé par quelques morceaux d’Aziz en première partie, le public se déchaine dès le premier morceau du duo, qui nous balance en pleine gueule, et sans sommation, leur terrible remix de No One Knows, des Queens Of The Stone Age (un titre ironique, car tout le monde, bien entendu, connaissait). Puis les morceaux s’enchainent, les platines sont en feu, le public en nage. Visiblement étonnés et fort heureux de cet énorme accueil que leur réserve Lille, Pfel et Atom nous chauffent encore plus au micro, et bim, c’est reparti. Justice, Boys Noize, The Beastie Boys, Led Zeppelin, The Prodigy, Michael Jackson, Run-DMC, The Beatles, Nirvana … tous passent à la moulinette sous les doigts habiles de nos deux virtuoses, qui nous délivrent aussi des créations personnelles. La fosse n’est plus qu’une masse humaine en mouvement, un immense raz de marée, une délicieuse orgie où chacun se laisse porter de corps à corps, enlace son camarade dans un subit élan de bonheur, et célèbre Beat Torrent à sa manière. La peau est moite, les visages sont rouges, les forces viennent à manquer, et pourtant, on reprend tout juste son souffle entre deux morceaux avant de se lancer avec une ardeur redoublée dans la mêlée.


Puis le concert se termine, malheureusement. Un traditionnel rappel, mais cela ne rassasie pas l’appétit musical du public, qui souhaite abuser des bonnes choses. Il crie, il espère un second rappel, il ne souhaite pas voir arriver la fin du rêve. La foule en réclamera toujours plus jusqu’à ce qu’Atom et Pfel quittent définitivement la scène, ce qu’ils ont mis du temps à faire, débranchant et remballant eux-mêmes leur matériel, échangeant des regards complices, amusés et béats, face à une foule qui continue à scander leur nom alors même que toutes les lumières de la salle ont été rallumées et que les platines ont retrouvées leurs valises de rangement, en attendant patiemment leur prochain show.


Merci à Joek de nous avoir autorisé à utiliser ses photos.
Voir son album flickr, avec de nombreuses photos de soirées, concerts, évènements, mais aussi des portraits et d'autres magnifiques photos.

samedi 31 octobre 2009

[Music] SIMIAN MOBILE DISCO : FLUX & REFLUX D'UNE VAGUE ELECTRO


SMD, c'est un tandem. Celui des artistes/producteurs James Ford et James Anthony Shaw aka Jaz, tous deux ex-membres du groupe Simian. Après un premier album salué par la critique et le public, suivi d'un disque de remixes et d'un mix live enregistré au Club Fabric à Londres, le combo revient avec un second opus, le très (le trop?) pop Temporary Pleasure (Wichita/Cooperative Music/PIAS).

James et Jaz ont tous les deux 30 ans, vivent à Londres et se sont rencontrés à Manchester au milieu des années 90 alors qu'ils étaient étudiants.

"J'ai simplement lu une petite annonce dans les couloirs de la fac qui disait 'groupe cherche batteur'. Je venais juste de commencer la batterie, mais je suis quand même allé voir ces mecs, Jaz et Alex MacNaughten, qui jouait de la basse. On a fait des répéts et ça a fonctionné. On a ensuite rencontré le chanteur Simon Lord et c'est ainsi que Simian est né." James

Tout se passe ensuite très vite - trop vite - pour Simian qui, sur la bonne foi de quelques maquettes, est immédiatement signé par Source UK, qui en fait l'une de ses priorités.


"On a beaucoup appris avec Simian, notamment de nos erreurs. On n'aurait pas dû signer sur une major qui nous a trop exposés. A force de faire des tournées en tête d'affiche et des concerts pour la presse alors que le groupe venait juste de se former, on est passé directement de nos chambres d'étudiants au devant de la scène sans avoir eu le temps de grandir. Le groupe n'y a pas résisté." Jaz


Après deux albums mixant brillamment psychédélisme, électronique et pop music (Chemistry Is What We Are, en 2001, et We Are Your Friends, en 2002), le groupe ne rencontre pas le succès durable escompté malgré des hits potentiels (La Breeze et Never Be Alone)... Nous sommes au début du siècle, l'heure anglophone n'est plus aux expériences musicales hybrides mais bien au retour du rock basique, avec les Strokes, les Libertines, les White Stripes ou encore les Kills...
Simian explose en pleine tournée US, "dans un restaurant de poissons en plein milieu du Texas, souligne James en souriant. Nous avons vécu le syndrome du second album jusqu'au bout : le split lors de la première tournée aux Etats-Unis." Et Jaz de renchérir : "Un grand classique pour les groupes anglais. Nous n'avons pas réussi à échapper à ce cliché, nous en rigolions même entre nous."

Des cendres de Simian naît pourtant une hydre à deux têtes, l'une blonde et émaciée, l'autre pas... Cet animal prenait vie lors des aftershows du groupe, et s'emparait des platines pour assouvir sa passion pour l'électronique et la dance music.


"Nous n'avions pas vraiment l'intention de former un nouveau groupe, ni de sortir un album par la suite. L'idée première était d'échapper au format rock et de retrouver le plaisir primaire de la musique de club." James

Les prestations du groupe touchaient par là même un public plus large, faisant se rencontrer deux cultures musicales différentes. Un peu dans la même veine que l'entreprise des frères Dewaele avec, d'un côté, leur groupe electro-rock Soulwax, de l'autre, le combo 2 Many DJ's.


Fini la messe en latin, James et Jaz font tomber le masque pour la première fois avec un titre de Simian au destin étrange et fulgurant : Never Be Alone... Réformé par nos deux compères Justiciers en culotte courte, lors d'un concours lancé par Simian, le remix sortira chez Ed Banger Records sous le nom de We Are Your Friends, et devient l'hymne d'une nouvelle génération de technokids prête à en découdre sur le dancefloor. Mine de rien, Simian participe ainsi à l'écriture d'un nouveau chapitre du roman de la techno music. Celui d'une électro instinctive et spontanée qui n'a pas encore dit son dernier mot.

C'est ensuite l'explosion. Il faut dire que nous avons affaire à de véritables producteurs, qui collaborent en studio avec des pointures. "On produit soit ensemble, soit séparément en général quatre albums par an (Klaxons, Arctic Monkeys, The Last Shadow Puppets, Invasion,...). Ceci nous procure beaucoup d'idées et de matière pour SMD."
Pas étonnant donc que leur premier album Attack Decay Sustain Release (A.D.S.R., soit les paramètres de l'enveloppe d'un son : sa naissance, sa vie et sa disparition sont les conséquences de la modulation effectuée) cartonne. Un opus qui alimente les tendances, balançant de gros tubes avec une électro bien grasse, débordante d'énergie. Idéale pour les esprits favorables à la Réforme perpétuelle.
James évoque sa genèse : "Nous écoutions beaucoup d'acid house avant l'enregistrement d'Attack Decay Sustain Release, ça nous a forcément influencés. On a cherché d'une certaine manière à recréer l'atmosphère et la magie de cette période [à la fin des années 80 en Angleterre, les journaux locaux relatent comment les ravers ruinent les champs à tour de bras]."
Pendant que Jaz parle de la technique de prod' : "Oui, cela vient aussi des machines vintage que nous avons utilisés. Rien n'était prémédité sur ce disque. C'était vraiment deux mecs en studio qui enregistrent live en enchaînant le plus rapidement possible. Nos meilleurs morceaux étaient souvent dans la boîte en moins d'une journée. On a vraiment voulu privilégier l'instinct et la spontanéité plutôt que la réflexion. Capter l'énergie créatrice [...] et rendre perceptible ce travail sans avoir l'air de deux nerds qui checkent leurs mails..."
Hommage vibrant, physique et sensuel à la house-music, cet album est tout bonnement explosif et hédoniste. Après une plongée en apnée le coeur battant (Sleep Deprivation), il pousse son naufragé vers les rives de l'acid-house from Detroit (I Got This Down). A peine sorti d'un trip sous ecstasy (It's The Beat), il l'embarque, de manière directe voire racoleuse (Hustler), pour des expériences psyché alarmantes (Tits & Acid), comme témoin d'une manipulation génétique et mélodique (Wooden),... Ces deux savants fous revisitent ainsi tantôt les premiers âges de la house, tantôt le son garage, sans oublier la pop synthétique plus consensuelle (I Believe, Love).
Le voyage s'achève au milieu de nappes sirupeuses, vers des contrées sacrées, extatiques et réservées aux immortels (Scott). Une épopée sidérale.

Alors que la minimale se désincarne dans une abstraction laborieuse de fin de siècle et que la "maximale", envahie par les clones de Justice et Boys Noize, ne cesse de nous compresser les neurones dans une débauche de "sound effects" parfois superflus, SMD incarnait jusqu'à tout récemment une issue idéale pour les musiques électroniques, sans risque de dérive depuis le ponton du XXIe siècle naissant.
Tout à la fois inventif, ludique et érudit, Attack Decay Sustain Release, sorti en juin 2007, parle finalement autant à nos pieds qu'à nos têtes en mixant avec malice expériences sonores et gimmicks accrocheurs. James confiait alors que l'important était de concilier ces deux facettes : "Nous avons à la fois un penchant pop et un penchant expérimental, que nous essayons de combiner quand nous travaillons ensemble. Ce qui nous passionne, c'est de travailler à la lisière des genres. Le prochain album sur lequel on travaille risque d'être beaucoup plus expérimental et psychédélique. Et c'est un fan de Magma et de Cluster qui te parle là..."

Aujourd'hui, SMD sort en effet son deuxième album, Temporary Pleasure... Fugace et résolument mainstream...
Car, comme dans toute entreprise périlleuse, rien ne se passe vraiment comme prévu.
"Nous voulions d'abord produire un album de techno pure. Nous avons vite évolué vers quelque chose de plus disco poppy. L'album a été en grande partie conçu dans nos chambres et sur la route. Avec la technologie, c'est fou comme tu peux tout faire de ta chambre...(rires)."
A la différence du premier album, Temporary Pleasure inclue beucoup de collaborations (Alexis Taylor du groupe Hot Chip, Jamie Lidell, Beth Ditto du groupe Gossip, Telepathe,...).
"Dès qu'on a eu les premiers invités sur le disque, l'orientation techno du début a changé. Nous avons voulu cet album comme une collection de chansons et non comme un ensemble cohérent. Mais nous avons malgré tout gardé le format de chanson long, comme en techno."

Las! "Les sanglots longs des synthés de SMD blessent mon coeur d'une longueur monotone"... Si je me risque à cette reprise d'une parole résistante de Verlaine, c'est que la tentative pop est globalement décevante.
Délaissant les climats tapageurs, l'album se concentre sur une série de compositions électro-pop plus mélodiques que par le passé, faisant la part belle à une flopée de featurings qui diluent une grande partie du talent et de l'inspiration que l'on était en droit d'attendre de la part du duo britannique. Si la personnalité de Beth Ditto, la voix soul et mutante de Jamie Lidell, l'organe sensuel d'Alexis Taylor ou la tonalité résolument 80's de Chris Keating, possèdent tous un attrait évident, cet empilage de talents nuit à l'ensemble et laisse une sensation de gâchis.
La qualité propre de chaque morceau ne suffit jamais à faire d'un ouvrage un chef d'oeuvre parfait. Il manque à cet album la mèche du boulet de canon, l'étincelle du conte de fées...

Trop de métier, pas assez de personnalité.

Au fond de ce patchwork inégal, remarquons néanmoins la performance vocale de la cantatrice la plus hype du moment, j'ai nommé Beth Ditto. Dans un opus aux maigres ambitions, Cruel Intentions est un single qui sent bon les débuts de la house music made in Detroit. Ni plus ni moins. Enfin si, tout de même, une voix percutante... Mais qui ne surprendra aucun fan de Gossip...
Pour les mélomanes en mal de réminiscence "simianesque", il reste Synthesise et 10000 Horses Can't Be Wrong pour se consoler. Avec eux, soyez sûrs que SMD continue d'envoyer du bois en live.
Une fois n'est pas coutume, le diable se cache dans le détail. Synthesise, sous ses airs de classique SMD, est le premier morceau où le duo utilise un sample, la voix de Todd Rundgren (artiste et producteur américain qui a travaillé avec Patti Smith, New York Dolls ou Meat Loaf).
"Je me rappelle l'avoir écouté en me disant, merde, il utilise un effet électronique sur sa voix et c'est exactement le genre de traitement que nous utilisons par ailleurs. C'était parfait pour le morceau, du coup on a fait une petite entorse à nos règles." Jaz

Aujourd'hui, alors que tout le monde, de Björk à Muse en passant par Peaches ou Little Boots, s'arrache leur collaboration, ce n'est peut-être pas un hasard si ce nouvel album est un "petit" bijou d'électro-pop relativement plus accessible qu'Attack Decay Sustain Release. Si ce nouveau virage lorgne du côté de la synth pop 80's de Human League et de la modernité d'un Tiga, prière est faite de ne pas marcher sur des sentiers trop battus.

Thanks to Tsugi, Trax & NightCode.

vendredi 30 octobre 2009

[Music] Didier Super et Zeu Discomobile, La Merde des Autres (2009)

Hallelujah. Didier Super nous a sorti (torché ?) un nouvel album. Et, comme d’habitude, on aime ou on n’aime pas.

Didier renoue ici avec ses potes de Zeu Discomobile, dont il faisait partie avant de partir en solo, avec lesquels il rejouait déjà depuis son précédent album « ben Quoi ? » et les concerts qui en découlèrent. La retrouvaille est ici d’autant plus affirmée, que ce n’est plus uniquement « Didier Super » mais bien « Didier Super et Zeu Discomobile ». Et Zeu Discomobile, ce qu’ils faisaient, c’était des reprises punk-rock. Bah ici, c’est donc pareil, le personnage de Didier Super en plus.

Ainsi, adieu les textes si polémiques de Didier, ces paroles acides qui n’épargnaient personne et qui filaient les yeux revolver à plus d’un. On ne retrouvera à peine que trois ou quatre petites piques purement Super-esques à ses cibles habituelles : son label (« Ah [mon disque] tu l’as téléchargé ? Oh bah c’est pas grave, de toute façon vu ce que je vais gagner dessus … »), les noirs (durant la chanson "Ethiopie" : « ♪ Il n’y a même plus de larmes dans leurs yeux si grands ♪ – mais c’est affreux ce que vous dites ! – ♪ Les enfants d’Ethiopie … ♪ - Aaah c’est des noirs ! Ah ouaaais ! Aaah ouais … Ah, pardon, pardon … »), les homosexuels (« la prochaine chanson est contre les femmes qui vont avec les femmes, et je suis bien d’accord on est déjà assez emmerdé avec les homosexuels ») ou encore les motards (« Hey qu’est-ce que tu fous ?! Les solos de pédés comme ça ça fait venir les motards dans les concerts ! Je veux pas de motards, naaaan ! »). Oui, c'est bas, c'est nul, c'est facile. C'est Didier Super. Mais à part ça, Didier se fait discret, et chante simplement « la merde des autres ».


On insère la précieuse galette dans la platine, et là, boom , premier constat : l’album répond très précisément aux critères d’album de reprises punk-rock de base : morceaux courts (de 1 à 3min maximum, interludes inclus, pour une durée totale de 30 minutes, pour 17 morceaux), chant peu soigné, cris, beat de batterie rapide et basique, délires studios (Didier qui nous fait une imitation de Marc Lavoine), et interludes entre les morceaux. Les titres passent donc à la moulinette rock/punk, bien souvent allégés de passages reggae up-beat.

Mais pas que. On a par exemple de bons riffs Metal sur « Nuit de Folie », des sonorités Heavy occasionnelles sur des pistes comme « Reality », un break jazzy sur « Lemon Incest », et avec derrière tout ça, tout de même, une véritable recherche musicale et une maîtrise de l’instrument, avec soli et shreds éventuels.

Le tout, enfin, agrémenté d’un humour bienvenu et non exclusif à Didier Super. Plus accessible, quoi (« Hallelujah ! Hallelujaaaah ! Hallelu-, Hallelu-, Allez Lens ! » ; à propos de « Lemon Incest » : « là en fait je comprend pas trop, c’est à propos d’un père qui trompe sa fille avec un citron » ; ou encore les paroles modifiées de « Comme d’Habitude » : « tout seul je bois mon café – (comme d’habitude !) – Hey t’as pas lavé les cuillères ! – (comme d’habitude !) – Hé y’est où le sucre en poudre ? Putain faut que j’aille au boulot – (comme d’habitude !) – […] Oh putain y’a la grève des bus ! – (comme d’habitude !) » ; pour ne citer que mes préférés). Et sans oublier le massacre des textes anglophones avec un accent français forcé (« I will bi zere ! »), voire même, allez, du yahourt.


En résumé, un album cash, direct et très jouissif, mais qui pèche par son manque de diversité, contrairement à l’album de Didier de l’année précédente (ici, le ¾ des morceaux se résument à « punk-rock - passage reggae - punk-rock »). Un album dont on se lassera sûrement bien vite. Mais bon, Didier en est conscient.


En tout cas, en concert, ça promet quand même une sacrée nuit de folie.


Tracklist complète :
01- Nuit De Folie
02- Femmes Je Vous Aime
03- Hallelujah
04- T'en Vas Pas
05- Ethiopie
06- Démons De Minuit
07- J'ai Encore Rêvé d'Elle
08- Belle Île En Mer
09- La Boom (Reality)
10- J'ai Oublié De Vivre
11- Une Femme Avec Une Femme
12- Yesterday
13- Still Loving You
14- Les Yeux Revolver
15- Que Je T'Aime
16- Comme D'Habitude

mardi 20 octobre 2009

[Music] Flight Of The Conchords : I Told You I Was Freaky (2009)

Certains pourraient dire que je deviens relou avec Flight Of The Conchords. Encore que, sur le blog, je n’en parle qu’une fois (ici sera la seconde), mais c’est parce que vous n’avez pas les références quotidiennes. Mais c’est comme ça, Flight Of The Conchords (FOTC pour les intimes), c’est ma petite tasse de café à moi : le truc qui me réveille, le truc qui me met de bonne humeur, le truc qui donne de la saveur à la fin d'un repas, le truc qui s’apprécie un peu machinalement quand on voit que y’a de quoi s’en faire encore une tasse. Je peux survoler ma liste de musique, l’œil blasé, sans m’arrêter sur rien, mais j’hésiterai toujours en passant devant les F, me déciderai à n’écouter qu’une ou deux pistes, pour finalement terminer par m’engloutir les albums entiers et me mater des lives sur Youtube.

Alors aujourd’hui, j’en parle à nouveau, pour chroniquer leur dernier album en date, sorti en ce 20 Octobre, intitulé « I Told You I Was Freaky », qui regroupe les meilleurs morceaux de la Saison 2 de leur série télévisé (car pour ceux qui suivent, FOTC c’est aussi une série musicale). Alors, l’album ravira les fans qui pourront s’écouter en boucle les chansons qu’ils ont tant apprécié dans la série, mais il plaira aussi aux néophytes, car il ne faut pas avoir vu les épisodes pour en apprécier les chansons (même si l’épisode apporte un contexte plus profond aux paroles). De plus, les fans pourront même se payer le luxe d’être surpris, au lieu de chanter par cœur les paroles dès la première écoute, car notre duo ne s’est pas contenté de « copier – coller » les chansons sur un CD, mais ils en ont retravaillé le mixage, voire parfois les paroles (modifications et/ou ajouts).




Tout comme leur premier album éponyme, « I Told You I Was Freaky » plait de suite de par son éclectisme (sonorités rock, rap, electro, r’n’b, dancefloor, folk, ...), l’humour de ses paroles, et l’ingéniosité musicale.

[N.B. : Les vidéos proposées sont celles extraites de la série, et, donc, la musique ne correspond pas exactement à celle présente sur le CD. Mais elle y correspond tout de même à 90%. Exit, bien entendu, les bouts de dialogue avant la chanson]

La galette démarre avec l’excellent « Hurt Feelings », où notre duo se refait rappeurs (comme sur « Hiphopopotamus Vs. Rhymenocerous » ou « Mutha –Uckas » du premier album), et démonte ici le cliché du rappeur viril et agressif pour nous démontrer qu’ils peuvent aussi être blessés et vexés. Des vers qui vous resterons dans la tête à coup sûr !

Dans le même genre musical, la piste suivante, « Sugalumps », enterrerait presque les Black Eyed Peas. Ici, ils vantent le mérite de leurs petits « bonbons d’amour », autrement appelés « bijoux de famille » ...

Autre genre, mais toujours proche du rap, voici la très cliché R’n’B « We’re Both In Love With A Sexy Lady » où nos deux chanteurs finissent par se rendre compte qu’ils sont tombés amoureux de la même femme. La chanson regroupe de nombreux clichés R’n’B, pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques (car ici, rappelons, cliché n’est pas preuve de manque d’originalité mais bien caricature), et caricature d’ailleurs la chanson « Same Girl » de R. Kelly.


Puis débarque la très à part et minimaliste « I Told You I Was Freaky », toujours dans un genre que j’assimilerai au rap, sans vraiment savoir le définir. Notez l’importance de chansons rap/R’n’B/assimilé au début de l’album. J’en conviens, l’amas de chansons de ce style en début d’album (et son absence dans la suite de l’album) peut presque s’avérer décevante en matière de répartition des chansons le long du disque. Mais bon. Comme elles sont toutes excellentes, on pardonne !

Rockons un peu les choses, avec « Demon Woman », parodie du « Devil Woman » de Cliff Richard, et rassemblant dans ses paroles des thèmes et images associés à un rock assez sexuel, tels que le « temple of womb » ou « your breasts are balls of flames, and I’m burning my hands, playing those balls games ».

Petite interlude, « Rambling Through The Avenues Of Time » se compose juste d’une guitare et du chant de Bret, ponctués d’interventions comiques de Jemaine. Les paroles caricaturent clairement certaines chansons, ou poèmes, d’amour, où le chanteur en fait parfois un peu trop dans les métaphores, fait souligné par les passages de Jemaine ... (« days went by, and years went by, moments went by when we kissed – when was this ? » ou, un de mes passages préférés : « She was like a Parisian river – Oh, dirty ?! – [...] She reminded me of a Winter’s morning – what, frigid ? – she was comparable to Cleopatra – quite old ! – She was like Shakespeare’s Juliet ! – What, 13 ?! »)

Faites péter les synthés, « Fashion Is Danger » arrive, rappelant du Depeche Mode old school, tout en parodiant « Fashion » de Bowie. Son refrain (« you think you know fashion, well fashion’s a stranger. You think fashion’s your friend, my friend, well fashion is danger ! ») vous restera longtemps en tête !

Arrive le récit d’un marin russe perdu en mer avec ses amis : « Petrov, Yelyena And Me ». Sonorités de manège, accompagnées de violons, c’est une version légèrement plus courte et plus rapide que celle que l’on peut déjà entendre sur leur album live « Folk The World » sorti en 2002.

Après ça, servez vous un bacardi au bar et déhanchez vous sur la piste avec « Too Many Dicks On The Dancefloor », au titre, tout comme les paroles, assez explicite : « trop de bites sur la piste de danse ». Tous les éléments du titre purement dancefloor sont là, grosses basses, sons électro, voix « robotique ». Un titre sur lequel il est jouissif de danser (testé dans un club islandais. Vous imaginez bien que je me sentais plus quand je l’ai entendu).

C’est ensuite au tour du groupe Police de passer à la moulinette de FOTC, avec le titre « You Don’t Have To Be A Prostitute », dont le thème et la musicalité très ‘’reggae-rock’’ vous rappellerons à coup sûr « Roxanne ». Après tout, « you don’t have to put on the red light » et « you don’t have to be a prostitute », c’est du pareil au même, sauf que chez le second, c’est marrant.

Exit les instruments, « Friends » se fait quasi uniquement à la bouche. Pour une ode pure, simple, nature à l’amitié, autant épurer aussi les instruments. Du simple « friends drink beers in the pub » aux plus dévoués « if you get drunk and vomit on me, I’ll make sure you get home safely » et « if you get murdered I’ll avenged your death », « Friends » est, de toute évidence, un véritable hymne à l’amitié.

Puis c’est un hommage à Paul Simon (le Simon de Simon & Garfunkel), avec « Carol Brown », qui rappelle beaucoup, dans son thème, « 50 Ways To Leave Your Lover » (la référence est d’ailleurs explicite avec le « there must have been 50 ways that lovers have left me » de Jemaine). Jemaine y énumère ici les différentes manières dont il s’est fait largué, pendant qu’une chorale composée de ses ex nous rappelle tous ses défauts en tant que petit ami, sur fond de musique rythmée, naïve, presque enfantine.

On garde la douceur de « Carol Brown », et on termine avec « Angels », parfois proche du gospel , qui nous relate les choses pas très catholiques auxquelles s’adonnent les anges derrière les nuages. De quoi vous faire regretter d’avoir jadis tendu la langue pour attraper quelques gouttes. La chanson se termine en un crescendo de voix ultra prenant, qui nous donnerait presque des frissons, et nous tente grandement d’appuyer sur le bouton « repeat all ».

mercredi 14 octobre 2009

[Cinéma] La Nuit de l'Animation @ Théâtre Sébastopol

Tout quidam qui se respecte aura certainement fait un mouvement de recul en passant devant le "Sébasto", ce samedi soir 10 octobre 2009. Fumées d'opiacées et tenues vestimentaires marginales se mariaient alors pour faire, le temps d'une soirée, du "Sébasto" le repère des saltimbanques les plus illuminés.
Une fois n'est pas coutume, l'ambiance était en effet à la "cool attitude" devant les portes de ce théâtre atypique inauguré le 30 novembre 1903. Comme son titre est trompeur ! Cet écrin culturel de la métropole lilloise n'a aucun lien de parenté avec Sébastopol, ville d'Ukraine connue de nos livres d'histoire pour avoir été assiégée en 1854, lors de la guerre de Crimée initiée par Napoléon III.

Ce soir-là plus que les autres, Le "Sébasto" reçoit avec décontraction les esprits débridés, les âmes libertines, bref ceux qui n'hésitent pas à sauter dans les flaques culturelles que nous offrent la production cinématographique contemporaine.
Cinéma! Cinéma! Mais pas n'importe lequel ! Ce soir, le court métrage d'animation est à l'honneur. Cette forme audiovisuelle en mal de visibilité posait ses bagages à Lille pour une 9e Edition placée sous le signe - crise et esprit contradictoire obligent - de l'Humour avec un grand AHAH !

Liberté dehors, liberté dedans. Loin du formatage dont est victime le long-métrage, les démonstrations d'inventivité n'ont pas manqué pendant ces 9 Heures d'opération sur nos zygomatiques et nos neurones frustrés.
A l'image d'un des films les plus touchants de la sélection, Varmints de l'Anglais Marc Craste, le programme s'encombre rarement de dialogues pour exprimer des sentiments hauts en couleurs.

Série en avant-première avec Léon, (T)erreur de la savane (5 épisodes de 4 minutes), trois longs-métrages et une flopée de courts-métrages divers et variés...Il y en avait vraiment pour tous les goûts et les humeurs.

Inutile de vous dire que le théâtre fait salle comble. L'effervescence et l'excitation débordent même et se jettent des gradins, tels des avions de papier, jusqu'au lever de rideau. Les premières images apparaissent alors, et la récréation fait place à la création.

Histoire de bien débuter la soirée, l'organisation met les petits plats dans les grands. Tout commence par une immersion dans cette savane inconnue d'où un lion vient vous tirer du siège pour vous emmener vivre l'instant comique. Même les plus grands chasseurs ne pourraient y résister.


Faisant suite à ce premier épisode au dessin digne de Madagascar, des Studios DreamWorks, The Surprise Demise of Francis Cooper's Mother raconte l'histoire croisée de trois vies qui, d'un seul instant, basculent dans l'improbable. Pendant la seconde où Emily Madison voit sa tasse de café se renverser, la réalité de son quotidien se dévoile enfin à ses yeux. Craig MacKay a, quant à lui, toutes les peines du monde à garder en vie les chats de sa petite amie. L'un s'aventure tragiquement dans le tambour de la machine à laver, l'autre réussit sa tentative de suicide au couteau de cuisine, et Craig voit ainsi s'effondrer tout espoir de récupérer sa dulcinée. Tout va de travers donc, ou à l'endroit... Ce petit bijou d'humour anglais fait penser à Paris de Cédric Klapisch... A bon entendeur.

Après la surabondance des images de synthèse, un petit retour aux sources de l'art s'imposait. Muto, de l'Italien Blu, est une plongée originale dans des recoins que nul ne soupçonne : les murs ! A travers une fascinante animation en peinture sur les murs publics de Buenos Aires et de Baden, l'artiste nous rend la visite atypique grâce au procédé du stop motion (animation en volume ou image par image), permettant de créer un mouvement à partir d'objets immobiles. Vous ne vous cognerez plus par hasard ! Ce film fait d'ailleurs le tour de la toile depuis mai 2008. De quoi réanimer la curiosité chez les citadins que nous sommes !


Vous ! Oui vous qui souhaitez retrouver Patrick Timsit, ou bien Gérard Depardieu époque Les Valseuses sous un autre jour, L'Homme à la Gordini est fait pour vous !

Dans un graphisme rappelant un peu Les Lascars, Monsieur R., accessoirement vêtu de bleu dans le plus simple appareil, a le faciès de l'un, et le Vengeur masqué, le flegme de l'autre.
A la fin des années 1970, dans un banlieue isolée - c'est à dire imaginaire !, vit un couple qui résiste encore et toujours à l'envahisseur... Oups! Je me trompe de bobine. En réalité, la coutume dictatoriale est de ne porter ni slip ni pantalon, uniquement des hauts orange. Mais avec l'aide d'un super héros, roulant en R8 Gordini et adepte de la machine à coudre Singer, Monsieur R. et son épouse, après un ultime interrogatoire répressif, entreprennent une révolution vestimentaire radicale. A mort le totalitarisme monochromatique orange !
En sélection officielle au dernier Festival de Cannes, l'auteur-designer-co-animateur, Jean-Christophe Lie, illustre également les pages de Siné Hebdo avec le polar-feuilleton "Les Furieuses" de Serge Quadruppani.
Avec le bleu le pull reste court mais pas les idées !

Des idées, Christian Effenberger en a aussi à revendre. Et, de l'imagination, il en faut pour nous présenter le simple et humble Jeff. Car ce qu'il aime plus que tout au monde, ce sont les pointes de carottes. Bad Habit, Little Rabbit raconte, en chanson s'il vous plaît, le parcours initiatique d'un petit lapin menant une vie de petit lapin jusqu'au jour où une énorme carotte émerge du coeur de la terre. Cette grosse carotte réserve évidemment quelques surprises à notre ami. Solidement ancrée dans le sol, c'est avec l'énergie du désespoir que Jeff ambitionne d'en faire le menu de son repas... et la cause des plusieurs sérieuses déconvenues.

Afin de clore avec beauté et mélancolie ce premier volet de la soirée, rien de mieux que le dernier clip du célèbre groupe Radiohead. Videotape le bien nommé illustre avec intelligence les possibilités qu'offrent les dernières technologies d'animation, en terme de superposition d'images réelles et de graphiques dynamiques et virtuels. Leur conjugaison fait prendre conscience, dans un ultime plan, de la face cachée de la réalité, autrement dit de ce qu'on ne sait plus voir.

La transition est alors parfaite pour amorcer le voyage vers un Proche-Orient imagé, animé et profondément clairvoyant.
Ari Folman, avec Valse avec Bachir, entreprend, dans un dernier effort pour interpeller la communauté internationale, de mettre en lumière l'un des faits les plus marquants du conflit israélo-palestinien.
Cet épuisement des peuples est résumé, dès les premières images, par la course effrénée d'une bande de chiens galeux dans ces rues où tout le monde vit la peur au quotidien. Hiver 2006. Dans une ville parmi d'autres de Palestine. 26 exactement. 26, c'est le nombre de chiens que l'ami du cinéaste a dû tuer dans les premiers jours de la guerre du Liban. Tuer pour que règne enfin le silence complet sur un de ces villages victimes des flambées de violence, suite à l'assasinat du Président chrétien libanais Bachir Gemayel, le 14 septembre 1982.
Le lendemain de cette rencontre fortuite, Ari Folman part à la recherche de son passé voilé. Il décide d'aller interpeller ses anciens compagnons d'armes... Ce flash-back de 20 ans permettra peut-être de remettre les souvenirs en place, mais pas le coeur.
Les illusions perdues, les souffrances mémorielles, voire les hallucinations de ses frères châlonnent le récit. Tel un train parcourant des plaines tour à tour désertiques, arides ou immolées par le sang et et le feu, l'histoire deviendrait presque insoutenable mais on ne souhaite qu'une chose, aller jusqu'au bout du tunnel pour découvrir avec Ari la vérité sur les massacres de Sabra et Chatila, perpétrés par des milices chrétiennes libanaises vengeresses. Un train peut en cacher un autre, dit la pancarte. Un train qu'on ne souhaiterait plus revoir passer, tant il traîne d'actes inhumains et de souvenirs atroces derrière lui.
La forme de l'animation documentaire n'enlève alors rien à la lucidité du regard ; elle permet simplement de tenir le spectateur - est-ce un bien ou un mal ? - en haleine jusqu'à la fin. Un final ô combien terrible puisqu'il expose enfin la vérité glaciale des images prises par la télévision britannique, lors du massacre dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban.

Pour beaucoup, le moral est au plus bas à la sortie de la projection. Les uns se dirigent alors vers le bar installé pour l'occasion, les autres - les moins secoués - grognent encore d'avoir ainsi été floués par l'organisation. Comme si l'animation devait forcément véhiculer un message joyeux, sous la forme de "vidéos bonbons"... L'animation n'est-elle pas au contraire un terrain d'expérimentations propice au dépassement des bornes du bien et du mal, propice aux écritures innovantes. The Dark Side of The Moon, comme l'illustrera jusqu'à la nuit des temps Pink Floyd, est aussi le lieu qui du blanc peut faire naître l'arc-en-ciel.

Après cette courte pause métaphysique, le retour sur terre est immédiat avec un nouvel épisode de Léon, (T)erreur de la savane, puis avec le film cynique au possible de l'Allemand Bert Gottschalk, Lazy Sunday Afternoon.
Dans le désert, un vautour savoure le calme d'un après-midi sous le soleil torride. Soudain, un véhicule bruyant ruine la tranquilité de la scène en venant percuter le nid de notre personnage. Deux pistoleros sortent de la voiture, achèvent une demi-douzaine de bières et s'apprêtent à se battre en duel... Sorte de "battle" tragi-comique, ce film au noir et blanc épuré révolutionne le genre du western hollywoodien.

Petit retour vers des contrées plus merveilleuses avec Varmints. Tout est dit sans dialogue, juste une musique et des effets dernier cri. Une poésie à fleur de peau s'approche de votre fauteuil, enveloppe votre regard, réchauffe votre coeur, et vous narre la joie qui disparaît chez une petite créature qui pourrait être vous. Ce conte envisage l'emprise de la solitude urbaine sur un petit clown blanc et triste, qui se raccroche aux souvenirs de sa campagne natale comme à un paradi perdu. Les images sont à la fois douces et fortes. Quelques références ponctuent le récit. Tel plan sur un soleil rouge rappelle l'affiche du film de Francis Ford Coppola, Apocalypse Now. Tel autre décrivant la marche d'énormes pieuvres venues déloger notre ami peut nous faire penser aux machines envahisseuses de La Guerre des Mondes de H.G. Wells, dernièrement mise en images par Steven Spielberg.
Ce n'est rien moins qu'un très beau film. Mon coup de coeur de la sélection.


Enfin, comme pour confirmer le talent des organisateurs, un dernier court-métrage vient clore, avec jouissance et malice, ce second volet. Logorama est une véritable histoire de fous. Ou d'abord une histoire de marques...Oh on s'y perd! Logorama, avant d'être réalisé par le collectif H5 et retenu par la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2009, est un film dont les héros sont des logotypes.
Dans ce formidable pastiche de film d'action, on découvre le vrai visage de Ronald MacDonald, individu à la figure patibulaire et à l'esprit dérangé. On apprend que Bibendum se sert du Uzi comme d'un pistolet à eau avec lunette Leica. On assiste aux 400 coups de Haribo, au réconfort très maternel d'Esso, et au sex-appeal plus que dérangeant de Mr. Springles ! Une histoire de LOGOS riGOLOte (A répéter 10 fois sans s'arrêter) !
Seulement, au départ, rien ne va plus. Une course poursuite, des virages à faire crisser les pneus Michelin, des coups d'accélérateur à faire rugir le moteur IBM, une prise d'otages qui tourne mal...et bien plus encore ! Alors, à vos marques ?!

Ce qui devait arriver arriva.
Top! Je suis un lapin blanc anthropomorphe, j'exerce en tant que toon la profession d'acteur pour Maroon Cartoons à Hollywood dans les années 40. Je suis anxieux, gaffeur et je porte une salopette rouge et un noeud papillon. J'ai été la victime d'une scandaleuse erreur judiciaire qui a failli me coûter la peau...
Enfin, je suis le héros d'un film réalisé par Robert Zemeckis, sorti dans les salles en 1988... Je suis? Je suis?

Roger Rabbit a littéralement marqué l'enfance de tout enfant bien né. Il a traumatisé les uns, il a rendu fou les autres. Pour d'autres encore, il a suffi d'un film, Who Censored Roger Rabbit?, pour tout connaître de Toontown.
Ce film d'animation incroyablement précurseur est une page ineffaçable de la mémoire audiovisuelle collective. Qui n'a pas jubilé devant les pitreries de Roger ? Quel enfant - même du haut de ses 21 ans - n'a pas craint pour sa vie ?
Même à 2h00 du matin, si le rire est parfois nerveux devant les catastrophes en série, le moment reste jouissif. La qualité ne compte pas le nombre des années, ni des heures.

Pour moi en effet, il est temps d'aller rejoindre Alice au pays des Merveilles. Il est 3h00 du matin. Il est encore l'heure de se dire 'bonsoir', il est déjà l'heure de se dire 'bonjour'.

[Concert] 09.10.09 – Archive @ Aéronef (Lille)

C’est vers 20h30 que, le vendredi 9 Octobre, nous nous enfonçons parmi une foule de tous âges afin d’assister au concert d’Archive à l’Aéronef de Lille. Force est de constater qu’un tel concert rassemble autant les jeunes que les adultes, à l’image d’une amie de mes parents que j’y rencontre, accompagnée de son fils. Trente ans d’écart, et pourtant, ce concert les rassemble.

Alors on se questionne un peu, et puis on se rappelle la subtile influence de Pink Floyd sur le groupe, et l’on comprend soudainement. Car Archive, malgré sa propre originalité, ses aspects électro et trip-hop, a beaucoup puisé chez ces piliers du rock, non seulement pour leur côté progressif, mais aussi pour leurs atmosphères et leurs ambiances si particulières. Ainsi, chacun parmi la foule, malgré la différence d’âge, en a pour son compte. Les plus jeunes remueront frénétiquement la tête sur les beats trip-hop, tandis que les plus âgés se laisseront emporter par l’ambiance aérienne des morceaux.

Mais avant tout cela, la scène laisse place à Birdpen, groupe électro-rock fondé en 2004 par David Penny, guitariste et chanteur d’Archive. Leur set est déjà entamé lorsque nous entrons, et ce n’est que du fond de la salle que nous apprécions leur musique. Penny confirme son excellente voix, le long de morceaux « mixant le rock, une pop sombre, et quelques touches électroniques », dixit le magazine Stadpark. Un mélange qui, dans les mots, peut sembler très proche d’Archive, pour un résultat pourtant bien différent, ce qui a pour effet de nous préparer parfaitement pour la tête d’affiche, sans un instant nous lasser l’oreille.

David Penney, guitariste, chanteur et clavier.

James Livingstone Seagull, batteur.

Mike Bird, guitariste, clavier.

Durant l’entracte, on en profite pour se frayer un chemin dans le cœur de la foule, se mêler aux inconditionnels du groupe et faire face à la scène. Retentie l’intro du premier titre de leur nouvel album, sorti en mars 2009, « Controlling Crowds », acclamée par le public, et Archive entre enfin en piste, acclamé de plus bel et nous gratifie de ce morceau hypnotique pendant que sur l’écran se déroule une marche interminable de personnages tous identiques, de blancs vêtus et affublés d’un masque blanc, rappelant une fameuse scène du film Metropolis, entrecoupée d’une spirale noire sur fond rouge.


L’écran restera omniprésent durant tout le concert, accompagnant le texte et le son d’images, mettant en lumière une ambiance, illustrant un thème, ou permettant le rapprochement dans le temps et l’espace de Maria Q, chanteuse pour Archive depuis l’album Lights de 2006.
Le groupe ne perd pas de temps, et comme pour nous habituer les oreilles, enchaine sans interruption sur le second titre du dernier album, « Bullets », aussi premier single de la galette, tandis que Darius Keeler, membre fondateur du groupe, rappelle un chef d’orchestre, battant frénétiquement le rythme du poing.

Darius Keeler, un des deux membres fondateurs du groupe.

Danny Griffiths, second membre fondateur.

Jamais deux sans trois, voici « Words On Signs », troisième morceau de l’album, et troisième morceau à être joué ce soir. Cette fois, Pollard Berrier, chanteur des deux premiers morceaux, laisse le micro à Dave (David Penney), pour ce morceau fort mélancolique.

Et puis, au fil des chansons (qui voient le micro passer tour à tour de Pollard, à Dave, à Rosko John, rappeur de 94 à 96, et de retour depuis 2008, et, d’une certaine manière, à Maria Q pour la chanson « Collapse/Collide ») on comprend vraiment pourquoi la tournée s’appelle « Controlling Crowds », le groupe nous enchainant les chansons de leur dernier album, dans l’ordre précis du disque. Ce n’est qu’après 9 morceaux (les 9 premières pistes de « Controlling Crowds », donc) que la setlist varie un peu avec un morceau inédit, « Lines », deuxième piste de leur album à sortir en ce 19 Octobre « Controlling Crowds Part IV », enchainé sur « The Empty Bottle », troisième piste de ce prochain album. Décidement...

Steve Harris, non, pas le bassiste d'Iron Maiden, le guitariste d'Archive !

Jonathan Noyce, bassiste.

Smiley, batteur.

Le groupe quitte petit à petit la scène, sur fond de « Funeral », dernière piste de Controlling Crowds, un instrument disparaissant à chaque fois, pour finalement laisser le public réclamer un « Encore » sur fond de chœurs quasi religieux. Alors que l’on pourrait regretter l’absence de diversité de la setlist, comme précisé plus haut (le groupe a tout de même 6 albums à son actif, sans compter la B.O. composée pour le film Michel Vaillant), le groupe revient se faire pardonner avec un rappel plus diversifié, avec quatre de leurs titres les plus connus, issus de « Londinium » (1996), « You All Look The Same To Me » (2002) et « Lights » (2006). Mais c’est surtout avec « Numb », au riff très rock et au final prolongé, et la mythique et planante « Again » de près de 17 minutes (la vidéo est la version courte), que le public, sentant la fin, se lâche à fond et part en transe. Une manière peu risquée de la part du groupe, mais très habile, et tellement délicieuse, de finir le concert en beauté et s’assurer un public totalement conquis. J’en suis.

Pollard Berrier, chanteur et guitariste occasionnel.

David Penney, guitariste et chanteur occasionnel.


Setlist complète du concert :

01 – Controlling Crowds
02 – Bullets
03 – Words On Signs
04 – Dangervisit
05 – Quiet Time
06 – Collapse/Collide
07 – Clones
08 – Bastardised Ink
09 – Kings Of Speed
10 – Lines
11 – The Empty Bottle
12 – Funeral

– Rappel : –
13 – Numb
14 – Sane
15 – System
16 - Again


Photos : TomA pour scenesdunord.fr