
Une fois n'est pas coutume, l'ambiance était en effet à la "cool attitude" devant les portes de ce théâtre atypique inauguré le 30 novembre 1903. Comme son titre est trompeur ! Cet écrin culturel de la métropole lilloise n'a aucun lien de parenté avec Sébastopol, ville d'Ukraine connue de nos livres d'histoire pour avoir été assiégée en 1854, lors de la guerre de Crimée initiée par Napoléon III.
Ce soir-là plus que les autres, Le "Sébasto" reçoit avec décontraction les esprits débridés, les âmes libertines, bref ceux qui n'hésitent pas à sauter dans les flaques culturelles que nous offrent la production cinématographique contemporaine.
Cinéma! Cinéma! Mais pas n'importe lequel ! Ce soir, le court métrage d'animation est à l'honneur. Cette forme audiovisuelle en mal de visibilité posait ses bagages à Lille pour une 9e Edition placée sous le signe - crise et esprit contradictoire obligent - de l'Humour avec un grand AHAH !
Liberté dehors, liberté dedans. Loin du formatage dont est victime le long-métrage, les démonstrations d'inventivité n'ont pas manqué pendant ces 9 Heures d'opération sur nos zygomatiques et nos neurones frustrés.
A l'image d'un des films les plus touchants de la sélection, Varmints de l'Anglais Marc Craste, le programme s'encombre rarement de dialogues pour exprimer des sentiments hauts en couleurs.
Série en avant-première avec Léon, (T)erreur de la savane (5 épisodes de 4 minutes), trois longs-métrages et une flopée de courts-métrages divers et variés...Il y en avait vraiment pour tous les goûts et les humeurs.
Inutile de vous dire que le théâtre fait salle comble. L'effervescence et l'excitation débordent même et se jettent des gradins, tels des avions de papier, jusqu'au lever de rideau. Les premières images apparaissent alors, et la récréation fait place à la création.
Histoire de bien débuter la soirée, l'organisation met les petits plats dans les grands. Tout commence par une immersion dans cette savane inconnue d'où un lion vient vous tirer du siège pour vous emmener vivre l'instant comique. Même les plus grands chasseurs ne pourraient y résister.

Faisant suite à ce premier épisode au dessin digne de Madagascar, des Studios DreamWorks, The Surprise Demise of Francis Cooper's Mother raconte l'histoire croisée de trois vies qui, d'un seul instant, basculent dans l'improbable. Pendant la seconde où Emily Madison voit sa tasse de café se renverser, la réalité de son quotidien se dévoile enfin à ses yeux. Craig MacKay a, quant à lui, toutes les peines du monde à garder en vie les chats de sa petite amie. L'un s'aventure tragiquement dans le tambour de la machine à laver, l'autre réussit sa tentative de suicide au couteau de cuisine, et Craig voit ainsi s'effondrer tout espoir de récupérer sa dulcinée. Tout va de travers donc, ou à l'endroit... Ce petit bijou d'humour anglais fait penser à Paris de Cédric Klapisch... A bon entendeur.
Après la surabondance des images de synthèse, un petit retour aux sources de l'art s'imposait. Muto, de l'Italien Blu, est une plongée originale dans des recoins que nul ne soupçonne : les murs ! A travers une fascinante animation en peinture sur les murs publics de Buenos Aires et de Baden, l'artiste nous rend la visite atypique grâce au procédé du stop motion (animation en volume ou image par image), permettant de créer un mouvement à partir d'objets immobiles. Vous ne vous cognerez plus par hasard ! Ce film fait d'ailleurs le tour de la toile depuis mai 2008. De quoi réanimer la curiosité chez les citadins que nous sommes !

Vous ! Oui vous qui souhaitez retrouver Patrick Timsit, ou bien Gérard Depardieu époque Les Valseuses sous un autre jour, L'Homme à la Gordini est fait pour vous !
Dans un graphisme rappelant un peu Les Lascars, Monsieur R., accessoirement vêtu de bleu dans le plus simple appareil, a le faciès de l'un, et le Vengeur masqué, le flegme de l'autre.



En sélection officielle au dernier Festival de Cannes, l'auteur-designer-co-animateur, Jean-Christophe Lie, illustre également les pages de Siné Hebdo avec le polar-feuilleton "Les Furieuses" de Serge Quadruppani.
Avec le bleu le pull reste court mais pas les idées !
Des idées, Christian Effenberger en a aussi à revendre. Et, de l'imagination, il en faut pour nous présenter le simple et humble Jeff. Car ce qu'il aime plus que tout au monde, ce sont les pointes de carottes. Bad Habit, Little Rabbit raconte, en chanson s'il vous plaît, le parcours initiatique d'un petit lapin menant une vie de petit lapin jusqu'au jour où une énorme carotte émerge du coeur de la terre.

Afin de clore avec beauté et mélancolie ce premier volet de la soirée, rien de mieux que le dernier clip du célèbre groupe Radiohead. Videotape le bien nommé illustre avec intelligence les possibilités qu'offrent les dernières technologies d'animation, en terme de superposition d'images réelles et de graphiques dynamiques et virtuels. Leur conjugaison fait prendre conscience, dans un ultime plan, de la face cachée de la réalité, autrement dit de ce qu'on ne sait plus voir.
La transition est alors parfaite pour amorcer le voyage vers un Proche-Orient imagé, animé et profondément clairvoyant.
Ari Folman, avec Valse avec Bachir, entreprend, dans un dernier effort pour interpeller la communauté internationale, de mettre en lumière l'un des faits les plus marquants du conflit israélo-palestinien.

Cet épuisement des peuples est résumé, dès les premières images, par la course effrénée d'une bande de chiens galeux dans ces rues où tout le monde vit la peur au quotidien. Hiver 2006. Dans une ville parmi d'autres de Palestine. 26 exactement. 26, c'est le nombre de chiens que l'ami du cinéaste a dû tuer dans les premiers jours de la guerre du Liban. Tuer pour que règne enfin le silence complet sur un de ces villages victimes des flambées de violence, suite à l'assasinat du Président chrétien libanais Bachir Gemayel, le 14 septembre 1982.
Le lendemain de cette rencontre fortuite, Ari Folman part à la recherche de son passé voilé. Il décide d'aller interpeller ses anciens compagnons d'armes... Ce flash-back de 20 ans permettra peut-être de remettre les souvenirs en place, mais pas le coeur.
Les illusions perdues, les souffrances mémorielles, voire les hallucinations de ses frères châlonnent le récit. Tel un train parcourant des plaines tour à tour désertiques, arides ou immolées par le sang et et le feu, l'histoire deviendrait presque insoutenable mais on ne souhaite qu'une chose, aller jusqu'au bout du tunnel pour découvrir avec Ari la vérité sur les massacres de Sabra et Chatila, perpétrés par des milices chrétiennes libanaises vengeresses. Un train peut en cacher un autre, dit la pancarte. Un train qu'on ne souhaiterait plus revoir passer, tant il traîne d'actes inhumains et de souvenirs atroces derrière lui.
La forme de l'animation documentaire n'enlève alors rien à la lucidité du regard ; elle permet simplement de tenir le spectateur - est-ce un bien ou un mal ? - en haleine jusqu'à la fin. Un final ô combien terrible puisqu'il expose enfin la vérité glaciale des images prises par la télévision britannique, lors du massacre dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban.
Pour beaucoup, le moral est au plus bas à la sortie de la projection. Les uns se dirigent alors vers le bar installé pour l'occasion, les autres - les moins secoués - grognent encore d'avoir ainsi été floués par l'organisation. Comme si l'animation devait forcément véhiculer un message joyeux, sous la forme de "vidéos bonbons"... L'animation n'est-elle pas au contraire un terrain d'expérimentations propice au dépassement des bornes du bien et du mal, propice aux écritures innovantes. The Dark Side of The Moon, comme l'illustrera jusqu'à la nuit des temps Pink Floyd, est aussi le lieu qui du blanc peut faire naître l'arc-en-ciel.
Après cette courte pause métaphysique, le retour sur terre est immédiat avec un nouvel épisode de Léon, (T)erreur de la savane, puis avec le film cynique au possible de l'Allemand Bert Gottschalk, Lazy Sunday Afternoon.
Dans le désert, un vautour savoure le calme d'un après-midi sous le soleil torride. Soudain, un véhicule bruyant ruine la tranquilité de la scène en venant percuter le nid de notre personnage. Deux pistoleros sortent de la voiture, achèvent une demi-douzaine de bières et s'apprêtent à se battre en duel... Sorte de "battle" tragi-comique, ce film au noir et blanc épuré révolutionne le genre du western hollywoodien.
Petit retour vers des contrées plus merveilleuses avec Varmints.

Ce n'est rien moins qu'un très beau film. Mon coup de coeur de la sélection.
Enfin, comme pour confirmer le talent des organisateurs, un dernier court-métrage vient clore, avec jouissance et malice, ce second volet. Logorama est une véritable histoire de fous. Ou d'abord une histoire de marques...Oh on s'y perd! Logorama, avant d'être réalisé par le collectif H5 et retenu par la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2009, est un film dont les héros sont des logotypes.

Dans ce formidable pastiche de film d'action, on découvre le vrai visage de Ronald MacDonald, individu à la figure patibulaire et à l'esprit dérangé. On apprend que Bibendum se sert du Uzi comme d'un pistolet à eau avec lunette Leica. On assiste aux 400 coups de Haribo, au réconfort très maternel d'Esso, et au sex-appeal plus que dérangeant de Mr. Springles ! Une histoire de LOGOS riGOLOte (A répéter 10 fois sans s'arrêter) !

Seulement, au départ, rien ne va plus. Une course poursuite, des virages à faire crisser les pneus Michelin, des coups d'accélérateur à faire rugir le moteur IBM, une prise d'otages qui tourne mal...et bien plus encore ! Alors, à vos marques ?!
Ce qui devait arriver arriva.
Top! Je suis un lapin blanc anthropomorphe, j'exerce en tant que toon la profession d'acteur pour Maroon Cartoons à Hollywood dans les années 40. Je suis anxieux, gaffeur et je porte une salopette rouge et un noeud papillon. J'ai été la victime d'une scandaleuse erreur judiciaire qui a failli me coûter la peau...
Enfin, je suis le héros d'un film réalisé par Robert Zemeckis, sorti dans les salles en 1988... Je suis? Je suis?

Roger Rabbit a littéralement marqué l'enfance de tout enfant bien né. Il a traumatisé les uns, il a rendu fou les autres. Pour d'autres encore, il a suffi d'un film, Who Censored Roger Rabbit?, pour tout connaître de Toontown.
Ce film d'animation incroyablement précurseur est une page ineffaçable de la mémoire audiovisuelle collective. Qui n'a pas jubilé devant les pitreries de Roger ? Quel enfant - même du haut de ses 21 ans - n'a pas craint pour sa vie ?
Même à 2h00 du matin, si le rire est parfois nerveux devant les catastrophes en série, le moment reste jouissif. La qualité ne compte pas le nombre des années, ni des heures.
Pour moi en effet, il est temps d'aller rejoindre Alice au pays des Merveilles. Il est 3h00 du matin. Il est encore l'heure de se dire 'bonsoir', il est déjà l'heure de se dire 'bonjour'.
1 commentaire:
J'attends avec impatience la présentation des courts-métrages projetés au Palais des Beaux-Arts jeudi...
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